Pour profiter des parcs naturels et des Rocheuses canadiennes, la traversée de Toronto à Vancouver à bord du Canadien mérite une étape à Jasper. Et en prolongement, s’il y a une expérience ferroviaire unique à s’offrir, c’est celle du Rocky Mountaineer, l’un des trains panoramiques les plus luxueux de la planète.
Cap vers Vancouver ! Partant de Banff, j’atteindrai la Hollywood du Nord dans 48 heures. Des bus spécialement affrétés par la compagnie du Rocky Mountaineer récupèrent les passagers dans les différents hôtels de la ville. Le rendez-vous est fixé à 7 h 00 du matin. Il fait encore nuit noire. Nous voici débarqués dans la petite gare : tapis rouge et accueil très VIP par une équipe de quatre personnes par voiture. Seul train, depuis 1990, à transporter des passagers sur ce parcours historique nommé « le premier passage vers l’Ouest », il emprunte la première ligne transcontinentale du Canada – la Canadian Pacific Railway – inaugurée en 1885 ! Nous sommes environ 350 passagers ; demain, d’autres voitures seront ajoutées pour transporter un total de 600 personnes ! Pas de couchettes à bord : l’escale pour la nuit est prévue à Kamloops. Il y a deux classes : golfleaf et redleaf. En première (goldleaf), la voiture supérieure comprend un dôme panoramique. C’est ici que nous allons passer environ 8 heures, installés dans de confortables fauteuils réglables, avec siège chauffant !
Après un petit-déjeuner premium servi dans la voiture restaurant, le voyage peut commencer. La journée s’annonce rythmée par une cuisine très soignée. L’équipe composée de Dory, Jerry, Holly Ann et Radka, veille à nos moindres envies : boissons à volonté (alcools et soft), snaking sucré ou salé. Très vite, circule le menu du déjeuner ainsi qu’une belle carte de cocktails et de vins. Parmi les cinq cocktail signatures, j’opte pour le dark and rocky (rhum, ginger beer, lime juice). Notre chef de bord est une guide chevronnée autant qu’une merveilleuse conteuse. Déjà dans sa lancée, le Rocky Mountaineer a dépassé l’Alberta et nous voici en Colombie-Britannique. Après la traversée des Rocheuses dont deux fameux tunnels en spirales, lacs et plaines défilent : le trajet s’annonce aussi éblouissant que vertigineux. Autour de moi, certains passagers lisent, d’autres prêts à zoomer portent autour du cou leur appareil photo ou selon les générations, gardent leur smartphone à la main. Nous nous sommes croisés à plusieurs étapes et je les reconnais : il y a d’une part, Joan et Lynn, des Américaines de Nashville avec lesquelles j’avais sympathisé pendant l’excursion à Jasper, et Chuck, originaire de Houston, qui a fait la première partie du voyage à bord du Canadien. Tout naturellement, nous décidons de partager la même table. À la carte, une entrée, deux plats et desserts au choix : « This is a fantastic gastronomic train luxury experience ! » s’exclame l’une mes voisines. L’escale pour la nuit est prévue dans un hôtel de Kamloops. À nouveau, des bus nous attendent à la descente de chaque voiture. Juste avant de nous indiquer les consignes pour le départ du lendemain matin, nos clés nous ont été déjà remises pour nous éviter toute attente. Arrivée dans ma chambre, je retrouve comme par enchantement ma valise. La classe d’un service premium ! Sans passer ni par la case du bar, ni par une visite de Kamloops by night, je rejoins tout simplement les bras de Morphée. Le départ de notre hôtel est prévu à 7h10. À 8h00, le Rocky Mountaineer cinglera vers Vancouver.
Après l’immense lac de Kamloops réputé pour ses esturgeons dont certains peuvent atteindre des tailles exceptionnelles, nous longeons le tracé sinueux de la rivière Thomson qui se jette dans le fleuve Fraser. Chaque lacet permet d’admirer la silhouette de notre train de 25 voitures. Mieux vaut évidemment – comme j’en ai la chance – être située parmi les dernières voitures. Ne risque-t-on de s’ennuyer à passer huit heures ainsi ? Que l’on soit contemplatif ou à tendance hyperactive, cette expérience du train panoramique est fabuleusement apaisante et en même temps, une activité à part entière qui sollicite tous les sens : circuler d’un étage à l’autre, échanger avec les passagers majoritairement américains, australiens et canadiens, profiter de la plateforme extérieure sans oublier l’étape gourmande à la voiture-restaurant ! Soudain, un pont. Puis un tunnel. Et encore un autre. En face de nous, une autre ligne et une route pour un alignement de voies et de voitures. Attention : survol d’un aigle ! De gauche à droite, les passagers-chasseurs d’images ne veulent manquer aucun temps fort : les smartphones restent sur le qui-vive. Sur les derniers kilomètres, peu avant à l’entrée dans Vancouver, j’achève le roman de Michel Jean, Kukum. Son héroïne Almanda, une jeune blanche qui a épousé un indien innu, voit les siens confrontés à la menace du progrès et à l’invasion du « monstre de fer » : « Je déteste leurs trains. Je déteste leurs voies ferrées, elles déchirent le paysage, leurs locomotives hurlent et puent. » Force est d’admettre que si pour le meilleur, cette aventure ferroviaire a permis de réunir les provinces du Canada, en modernisant tout le pays ; pour le pire, elle eut des conséquences terribles sur les Premières Nations du Canada, détruisant l’âme d’un peuple, en prenant leurs terres et en massacrant les forêts. Impossible de ne pas évoquer ce chapitre terrible de l’histoire du pays.
Il est 19 heures. De façon cérémoniale, toute l’équipe nous adresse un discours d’adieu, rappelant qu’à partir de mi-octobre, le train cessera de circuler. Ils partiront pour d’autres missions comme saisonniers, avant de reprendre leur poste pour la saison 2024 qui ouvrira à partir de mi-avril. Nous quittons notre vaisseau avec une pointe de nostalgie. Serait-ce déjà fini ? Comme me confie Chuck, mon comparse américain, en me saluant à la descente du train : « Chacun poursuit sa route. C’est ça le voyage ! ».
Dernière étape de mon odyssée : 24 heures à Vancouver
À la descente du Rocky Mountaineer, des bus nous acheminent vers nos hôtels respectifs. Le mien qui fait partie de la chaîne Fairmount est situé downtown car une fois encore, c’est un établissement du groupe lié à l’histoire ferroviaire du Canada. La Canadian Pacific Railway l’a fait construire entre 1928 et 1939. Et pour ne pas être dépaysée, j’apprends que le nouveau restaurant – Notch 8 – ouvert il y a un an, est inspiré dans sa décoration de l’esprit années 30 du voyage en train ! Si vous vous interrogez sur la signification de ce terme anglais : il fait référence à l’encoche 8 – vitesse maximale ! – du moteur diesel d’une locomotive.
Quoi faire en si peu de temps dans la Hollywood du nord ? Prendre le pouls du quartier Ouest de la ville et traverser cette forêt de gratte-ciels en voiture (ou sinon en bus Hop and Top), un mixe de bureaux et d’appartements résidentiels, puis l’incroyable China Town et ses vieux immeubles de briques datant de la fin du XIXe pour certains, longer la marina de Coal Harbour jusqu’au parc Stanley, en revenant par l’université de British Colombia et apercevoir West Vancouver. Enfin, à proximité de mon hôtel, il me reste deux visites incontournables à faire : la Christ Church Cathedral, construite en 1889, remarquable pour sa charpente en bois ; et la galerie-musée en hommage à l’artiste autochtone de la première nation haïda, Bill Reid (1920-1988). Cette galerie d’art expose ses œuvres ainsi que des artistes autochtones de la région du Pacific Northwest. Cette mise en valeur de sculptures, peintures et bijoux en exposition permanente, est enrichie d’œuvres d’artistes contemporains d’un art enfin réhabilité.
Florence Batisse-Pichet
Informations pratiques
S’il est plus simple de faire appel à une agence de voyages pour coordonner l’ensemble des réservations, voici les principaux sites. Notre recommandation est de faire appel à l’agence française spécialiste des voyages en train : www.discoverytrains.net.
• L’office du tourisme du Canada : travel.destinationcanada.com ; www.banfflakelouise.com ; ww.tourismealberta.ca ;
Pour les vols Paris-Toronto et Vancouver-Paris, vols directs Air France : wwws.airfrance.fr
• Pour connaître le détail des voitures et les tarifs sur le Canadien et le Rocky Mountaineer :
www.viarail.ca et www.rockymountaineer.com







